ÉTUDE DU REGIME ALIMENTAIRE D'UN COUPLE DE CHOUETTE HULOTTE EN MILIEU RURAL (LOIRET)
Cette étude a été menée par Fabien Savary, qui suit un couple de Chouette hulotte installé naturellement sur sa propriété située à proximité d'Orléans (Loiret) et grâce à une collaboration avec Patrick Bayle, spécialiste de l'analyse de pelotes de réjection et du régime alimentaire des rapaces.
> Contexte :
Ce terrain est situé en contexte rural. Le territoire où les chouettes sont observées comprend une parcelle d'environ 10 ha, boisée de feuillus et de quelques résineux, très isolée dans une matrice agricole ouverte.
Le couple possède un reposoir diurne bien identifié dans un arbre conifère, ce qui permet la récolte facile et régulière de pelotes de réjection.

A gauche : Le couple de chouette étudié, camouflé dans un résineux pendant le jour ; A droite : Aperçu de pelotes ramassées au pied de ce reposoir diurne
Photos : Fabien Savary
Un ensemble de 31 pelotes et de quelques débris de pelotes, a été collecté en 2014 puis analysé par Patrick Bayle, expérimenté dans la dissection de pelotes et l'identification de leur contenu, à qui l'on doit l'étude d'un couple de Chouette hulotte en milieu urbain (Marseille) présentée également dans cette rubrique (Voir ici).
> Résultats :
Au total, 227 proies ont été recensées. Les résultats détaillés sont exposés ci-dessous.
Nom commun |
Nom scientifique |
Pelotes (31) |
Débris de pelotes |
Total |
MAMMIFÈRES |
Crocidure musette |
Crocidura russula |
4 |
40 |
44 |
19,4% |
Lapin de garenne (juvénile) |
Oryctolagus cuniculus |
0 |
1 |
1 |
|
Lérot (juvénile) |
Eliomys quercinus |
0 |
1 |
1 |
|
Campagnol roussâtre |
Clethrionomys glaerolus |
3 |
8 |
11 |
4,8% |
Campagnol souterrain |
Microtus subterraneus |
0 |
1 |
1 |
|
Campagnol des champs |
Microtus arvalis |
6 |
19 |
25 |
11,0% |
Campagnol agreste |
Microtus agrestis |
0 |
1 |
1 |
|
Mulot sylvestre |
Apodemus sylvaticus |
15 |
43 |
58 |
25,6% |
Mulot à collier |
Apodemus flavicollis |
3 |
4 |
7 |
|
Multo sylvestre ou à collier |
Apodemus sylvaticus / flavicollis |
1 |
9 |
10 |
4,4% |
Rat surmulot |
Rattus norvegicus |
4 |
4 |
8 |
|
Total Mammifères |
36 |
131 |
167 |
73,6% |
OISEAUX |
Tourterelle turque |
Streptopelia decaocto |
0 |
1 |
1 |
|
Alouette (lulu ?) |
Alaudidae (cf. lululla) |
0 |
1 |
1 |
|
Merle noir |
Turdus merula |
1 |
0 |
1 |
|
Grive (musicienne ?) |
Turdus cf. philomelos |
1 |
4 |
5 |
|
Pouillot véloce ou fitis |
Phylloscopus collybita / trochilus |
0 |
2 |
2 |
|
Roitelet huppé ou triple bandeau |
Regulus regulus / ignicapillus |
0 |
1 |
1 |
|
Rougequeue à front blanc ou noir |
Phoenicurus phoenicurus / ochruros |
0 |
1 |
1 |
|
Rougegorge familier |
Erithacus rubecula |
1 |
0 |
1 |
|
Mésange charbonnière |
Parus major |
1 |
0 |
1 |
|
Mésange bleue |
Cyanistes caeruleus |
1 |
1 |
2 |
|
Troglodyte mignon |
Troglodytes troglodytes |
1 |
0 |
1 |
|
Grimpereau des bois ou des jardins |
Certhia familiaris / brachydactyla |
0 |
1 |
1 |
|
Pinson des arbres |
Fringilla coelebs |
11 |
10 |
21 |
9,3% |
Verdier d'Europe |
Carduelis chloris |
0 |
3 |
3 |
|
Linotte mélodieuse |
Carduelis cannabina |
0 |
1 |
1 |
|
Petit passereau insectivore (taille fauvette) |
Passeriformes |
1 |
5 |
6 |
|
Petit passereau insectivore (taille pouillot) |
Passeriformes |
2 |
0 |
2 |
|
Petit passereau insectivore (taille pinson) |
Passeriformes |
1 |
0 |
1 |
|
Total Oiseaux |
21 |
31 |
52 |
22,9% |
AMPHIBIENS |
Grenouille |
Rana sp. |
1 |
0 |
1 |
|
Total Amphibiens |
1 |
0 |
1 |
0,4% |
INSECTES |
Orthoptère indéterminé |
Orthoptera |
0 |
1 |
1 |
|
Coléoptère indéterminé |
Coleoptera |
1 |
0 |
1 |
|
Minautore |
Typhoeus typhaeus |
1 |
0 |
1 |
|
Total Insectes |
2 |
1 |
3 |
1,3% |
GASTEROPODES |
Limace indéterminée |
Limacidae |
3 |
1 |
4 |
|
Total Gastéropodes |
3 |
1 |
4 |
1,8% |
AUTRES |
Lombric indéterminé |
Lumbricidae |
3 |
0 |
3 |
|
Total Autres |
3 |
0 |
3 |
1,3% |
TOTAL |
66 |
164 |
227 |
100% |
> Commentaires :
Sur l'ensemble du matériel analysé, le groupe des Mammifères est de loin le groupe biologique le plus consommé par le couple de Chouette hulotte (74% des proies), suivi du groupe des Oiseaux (23% des proies).
Le Mulot sylvestre est l’espèce la plus fréquente parmi les Mammifères mais aussi sur l’ensemble du jeu de données où elle représente à elle seule un quart des proies environ. La Crocidure musette ressort ensuite comme le deuxième animal le plus consommé sur la totalité des données (près de 20%). C’est une surprise car cette proie n’est pas considérée dans la littérature comme le rongeur favori de la Chouette hulotte.
Par ailleurs, parmi les campagnols recensés, c’est le Campagnol des champs qui est le plus abondamment trouvé (11% du total des proies), bien devant le Campagnol roussâtre qui ne représente que 5% environ du tout. Cela va là aussi à l’encontre de ce que l’on connaît habituellement de la Chouette hulotte, le Campagnol roussâtre représentant généralement la part la plus importante de son régime alimentaire du fait de son caractère forestier. Il est probable que cette inversion de proportion entre les deux campagnols soit liée à la faible surface de milieu boisé et à la forte présence de milieux agricoles autour. Il est en effet vraisemblable que le couple de Chouette hulotte ne s’alimente pas uniquement dans la partie boisée du site et consomme ainsi des proies associées plutôt aux milieux cultivés.
Parmi les oiseaux, les résultats révèlent une grande diversité d’espèces consommées en faibles effectifs, voire représentées par un seul individu. Cela montre bien l’opportunisme de la Chouette hulotte qui capture sans vraie sélection les oiseaux qui se présentent à elle en fonction de ses besoins. On constate en revanche que la majorité des oiseaux chassés sont des petits gabarits, avec une absence totale de pie, geai, pigeon et une seule tourterelle. Le Pinson des arbres est l’oiseau le plus consommé.
L’ensemble de ces résultats met en tous cas en évidence une palette très variée d’espèces animales consommées - environ une trentaine - et révèle ainsi une fois de plus la capacité de la Chouette hulotte à diversifier son régime alimentaire en fonction du contexte. Ici, alors que nous nous situons pourtant en zone rurale et non urbaine, la spécificité du territoire, qui se différencie d’un milieu forestier classiquement fréquenté par la Chouette hulotte, explique sans doute cette grande diversité de proies à l’instar de ce que l’on rencontre normalement en ville.
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